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Histoire, économie, gestion et entreprise : Peugeot, Renault, Citroën

Panhard, Citroen, Peugeot

Vers 1800, François-René Panhard, originaire de Bretagne vint à Paris travailler comme sellier, puis comme carrossier. Son fils Adrien Panhard développa les affaires, et se lança, avec succès, dans la location de voitures hippomobiles.

L’arrière-grand-père d’André Citroën, dénommé Roelof, est un marchand d’agrumes en Hollande. En 1810, lorsque Napoléon Ier annexe le Royaume de Hollande, les juifs néerlandais sont soumis au code Napoléon et doivent choisir un nom pour leur identification. Roelof choisit alors de se faire appeler Limoenman (« homme-citron »), surnom que ses clients lui donnaient. Son fils, Barend, ne prend pas la suite des affaires de Roelof et se tourne vers le négoce de joyaux, qui connaît un essor important au XIXe siècle. À la suite de ce nouveau statut social, Barend francise progressivement son nom, dans un premier temps en Limoenman-Citron puis en Citroen. Les époux Citroen vivent dans un appartement du 9e arrondissement de Paris, au 44, rue Laffitte, puis après la naissance de leurs enfants et l’accès à un certain niveau de vie, dans la rue de Châteaudun.

Peugeot, Panhard et Levassor, Renault

Armand Peugeot, né en mars 1849 à Valentigney, est issu d’une famille d’industriels du département du Doubs spécialisée dans la fabrication de moulins à café, de lames de scie, d’outils etc. Il fit des études d’ingénieur à l’École centrale de Paris et succéda à son père et son oncle à la tête de l’entreprise familiale avec son cousin Eugène Peugeot.

Le fils d’Adrien Panhard, René Panhard, fit l’École Centrale de 1861 à 1864, et entra comme cadre à la Société Perin, machines à bois. En 1867, Jules Perin s’associa avec René Panhard, pour fonder la « Perin, Panhard & Cie« .

René Panhard fit appel, en 1872, à l’ingénieur Émile Levassor, son condisciple de l’École Centrale qui devient actionnaire de la Perin, Panhard & Cie à 10% ; ils s’intéressèrent aux moteurs à gaz à partir de 1875, et leur production en série débuta l’année suivante. Le représentant pour la France des moteurs à pétrole de Gottlieb Daimler, Édouard Sarazin, entra en contact avec Émile Levassor. Ce dernier épousa, en 1890, la veuve d’Édouard Sarazin, et commença la production sous licence des moteurs Daimler, puis la construction de voitures à pétrole. En 1886, à la mort de Jules Perrin, la raison sociale de l’entreprise devient « Panhard & Levassor ».

Panhard, Renault

Louis Renault, né en février 1877 à Paris, dans une famille bourgeoise parisienne dont il est le dernier enfant sur cinq. Son père, Alfred Renault avait construit une solide fortune dans le commerce de tissus et de boutons. Sa mère, Louise Berthe Magnien était fille de grands commerçants.

Citroen devient Citroën

André Citroen, né à Paris en février 1878. Il est le cinquième et dernier enfant de Lévie Citroen, diamantaire juif néerlandais, émigré à Paris en 1873, et de Masza Kleinman, juive polonaise originaire de Varsovie. Après s’être lancé dans une spéculation à hauts risques dans une mine de diamant en Afrique du Sud, les actions se révélèrent sans aucune valeur. La famille n’est pas ruinée, mais la banqueroute pèse sur les épaules de Lévie Citroen. En 1884, alors qu’André Citroen n’a que six ans, son père se suicide en se jetant par la fenêtre. André et ses aînés sont alors élevés par leur mère qui reprend le négoce de diamants et de perles fines. Après cette tragédie, la famille Citroen, s’installe au 62, rue La Fayette, où les enfants reçoivent une éducation totalement française, de sorte qu’ils se sentent citoyens français à part entière.

La société, fondée en 1883 par le comte nantais Jules-Albert de Dion, le fabricant de jouets scientifiques Georges Bouton et son beau-frère Charles-Armand Trépardoux, est à l’origine de l’essor de l’automobile. L’entreprise s’implanta rapidement à Puteaux au quai National (renommé plus récemment quai De Dion-Bouton). Il collabore notamment avec Raoul Perpère, ingénieur, géologue, et inventeur, qui met au point le premier embrayage de l’histoire de l’automobile.

En 1887, alors âgé de 9 ans, André Citroen découvre l’œuvre visionnaire avant-gardiste de Jules Verne qui l’inspirera toute sa vie. La construction de la tour Eiffel pour l’exposition universelle de 1889 l’incite à devenir ingénieur et industriel et à participer aux futurs grands défis industriels du vingtième siècle. André Citroen entre au lycée Condorcet, sous le nom André Citroën. C’est la première fois qu’un tréma apparaît sur le e, André remplissant ses papiers avec cette nouvelle graphie car il n’aime pas entendre prononcer le son de la fin de son nom. Il se révèle vite brillant élève, particulièrement pour les sciences et les techniques.

Peugeot, de la bicyclette à l’automobile

Armand Peugeot a passé une partie de sa vie à Leeds en Angleterre où il a vu l’importance de la bicyclette dans la vie quotidienne. Lors de la réunion des associés Peugeot du 6 juin 1885 il a dit « Nous devons nous intéresser à la fabrication de vélocipèdes et de tricycles ». Pour accélérer leur fabrication, il n’hésite pas à donner à l’entreprise une partie de son jardin. Dès 1885, les premières bicyclettes sortent ainsi des usines de Peugeot.

Visionnaire, Armand Peugeot décide de fabriquer des automobiles. En 1889, il fait construire un tricycle à vapeur entraîné par une chaudière conçue par Léon Serpollet. Il se persuade cependant que le moteur à explosion permet de construire une voiture plus fiable et plus légère. À la même époque, Émile Levassor constructeur de moteurs sous licence Daimler, propose la fabrication d’automobiles à Armand Peugeot. C’est ainsi qu’en janvier 1891, Peugeot produit et commercialise l’une des premières voitures « sans chevaux », un vis-à-vis, suivent les type 2 et type 3. Développant une puissance de 8 ch, elles atteignent une vitesse d’environ 15 km/h.

Septembre 1890, Émile Levassor écrit à Gottlieb Daimler en lui demandant de venir à Paris pour voir la voiture à quatre places qu’il venait de mettre au point et le quadricycle qu’Armand Peugeot venait d’envoyer chez Panhard pour mise au point. Ce quadricycle, le premier fabriqué par l’entreprise Peugeot, fut finalement vendu par René Panhard, le 9 juin 1891 à un Suédois après qu’il eut été réparé par la maison Panhard & Levassor.

Renault, le créateur de moteur

En 1891, alors que Louis Renault est âgé de 14 ans, passionné de mécanique et d’électricité, timide et solitaire, peu bavard, il installe un atelier au fond du jardin de la résidence secondaire familiale à Boulogne-Billancourt près de Paris. Il modifie un moteur Panhard, multiplie les inventions, dessine inlassablement des plans, dépose ses premiers brevets et s’enferme dans sa solitude créative. Sa passion le pousse à négliger ses études. Il passe une grande partie de son temps dans l’atelier où Léon Serpollet fabrique des moteurs de voiture à vapeur.

Société des automobiles Peugeot

En 1892, « Etablissements Peugeot Frères » devient « les Fils de Peugeot Frères » et Armand Peugeot veut développer la construction automobile alors que son cousin Eugène Ier reste hostile à cette invention à laquelle il ne croit pas. Contrairement à Armand Peugeot, son cousin, Eugène Peugeot, est donc hostile à l’automobile, les deux cousins se séparent. Eugène continue seul les fabrications en excluant les voitures et Armand fonde la « Société des automobiles Peugeot » qui s’installe en partie à Lille, où sont déposés les statuts de l’entreprise le 2 avril 1896.

Le 2 avril 1896, Armand Peugeot se sépare des activités de « les Fils de Peugeot Frères » et fonde la « société des automobiles Peugeot » avec des usines à Audincourt et à Lille, alors qu’Eugène Ier avec « les Fils de Peugeot Frères » continue à fabriquer des bicyclettes, motos, tricycles et quadricycles avec ou sans moteur et également des outils, des articles ménagers, des moulins à café, etc.

L’usine principale de Peugeot est créée en 1897, dans le Doubs à Audincourt. À la fin du XIXe siècle, s’ajoute l’atelier de Lille-Fives. En 1897, Armand Peugeot vend avec succès 54 voitures puis 156 en 1898 et 500 en 1900.

Au premier Salon de l’automobile

Louis Renault étudie au lycée Condorcet dans le 9e arrondissement, abandonne les études qui ne sont pas son fort après le baccalauréat et compte sur son imagination prolifique, son intuition et son pragmatisme.

André Citroën intègre, en octobre 1898, l’École polytechnique, au 62e rang sur les 201 admis. Son rang de sortie (160e) ne lui permet pas d’envisager une carrière au service de l’État ou d’un grand corps, ce qui néanmoins lui convient.

En 1898, le Jardin des Tuileries reçoit à l’initiative de l’Automobile Club de France la première exposition d’automobiles à portée internationale jamais réalisée dans le monde, le « Salon de l’automobile ». Pour pouvoir être exposées au salon, les automobiles doivent au préalable parcourir la distance Paris-Versailles-Paris (une quarantaine de kilomètres), de manière à prouver leur capacité à se mouvoir de façon autonome. Les grandes marques automobile de l’époque telles que Peugeot, Panhard & Levassor, Benz ou Daimler participent au salon. L’opération remporte un vif succès puisque 140 000 visiteurs viennent découvrir les 232 modèles exposés.

Première voiture Renault

En 1898, à l’âge de 21 ans, Louis Renault construit sa première voiturette, la Renault Type A, en modifiant un tricycle De Dion-Bouton pour y ajouter une quatrième roue, une transmission par cardan, une boîte à 3 vitesses avec la troisième en « prise directe » de son invention, et une marche arrière, le tout capable d’une vitesse de 50 km/h.

Le 24 décembre 1898, lors du réveillon de Noël avec ses frères et des amis, en gravissant au volant de sa petite voiture devant une foule épatée, toute la rue Lepic, Renault empoche ses 12 premières commandes fermes assorties d’un acompte de soixante louis d’or et décide de devenir constructeur d’automobiles. Quelques mois plus tard, il dépose le brevet de la boite de vitesse à « prise directe » (elle sera à l’origine de sa fortune et sera adoptée par tous les constructeurs automobiles de l’époque)

La société Renault Frères

Le 25 février 1899, ses deux frères Marcel Renault et Fernand Renault, qui gèrent la firme de textile paternelle « Renault Fils, tissus en gros » fondent la société Renault Frères au 10 rue du Cours à Boulogne-Billancourt (actuelle avenue Émile Zola) en apportant chacun la moitié d’un capital de 60 000 francs-or et 60 employés sans croire véritablement ni à l’automobile ni au génie de leur frère. Louis n’est pas associé, simple salarié mis à l’épreuve et bénéficiaire de son brevet. Marcel se charge de l’administratif et Louis se consacre complètement à la conception et la construction des voitures. À la fin de la première année, 76 voiturettes sont produites et vendues.

Les voitures que les 60 employés produisent acquièrent rapidement une réputation pour leurs innovations. Ainsi dès 1899, Renault introduit la berline et prend un brevet pour un turbocompresseur. Renault est la première usine en France à expérimenter l’organisation scientifique du travail avec le travail à la chaîne et le chronométrage des ouvriers.

Les frères Renault pilotes de course

En août 1899, Louis Renault s’aligne avec son frère Marcel, au départ de la course Paris-Trouville et obtient sa première victoire d’une longue série de courses de ville à ville. Dans leur catégorie, les Renault n’ont pas de rivaux. Ils gagnent dans la foulée Paris-Ostende, Paris-Rambouillet et Toulouse-Paris. La même année, il achève la construction de sa première voiture à conduite intérieure. Ses grands succès en compétition automobile font sa célébrité et le succès de ses commandes vendues 3 000 francs or, soit dix ans d’un salaire moyen de l’époque.

Les premières automobiles sont vendues à de riches particuliers qui pouvaient se permettre les 3 000 francs qu’elles coûtaient (dix ans de salaire d’un ouvrier). Devant ce marché limité, Renault se diversifient dans la production de taxis et de camions avant la Première Guerre mondiale. Ils reconnaissent très tôt la publicité que la société pouvait tirer de la participation aux courses automobiles et engagèrent leur véhicules dans des courses sur route en Suisse. Le succès de Louis et Marcel Renault, qui conduisent eux-mêmes leurs automobiles, amène une rapide expansion de la compagnie.

Citroën, une histoire de chevrons

En 1900, pour les vacances de Pâques, André Citroën rend visite à de la famille en Pologne et rencontre son beau-frère dont l’un des clients – petite firme mécanique – a mis au point un procédé d’engrenages aux dents taillées en V. À partir de modèles en bois, ces engrenages sont moulés dans des moules en sable et utilisés à moindre coût pour des minoteries et dans des usines de filature. André Citroën voit dans cette découverte le moyen de lancer sa carrière indépendante d’industriel et propose d’acheter la licence du procédé de fabrication à ce moment-là détenu par les Russes.

Cette conception technique innovante permet de transmettre des puissances importantes tout en ayant un fort rapport de réduction de l’arbre de sortie. Les engrenages à denture hélicoïdale contribuent à un contact prolongé des dents pendant l’engrenage et, qualité importante à l’époque, assurent un plus grand silence durant le fonctionnement par rapport aux engrenages à taille droite, grâce à un frottement plus faible. L’inconvénient est que cela induit des efforts axiaux importants dans les paliers. La double denture en chevrons offre entre eux un contact dans les deux sens, ce qui compense l’effort axial. Cependant, pour obtenir un tel fonctionnement, il est nécessaire que les dents soient parfaitement usinées. La petite firme polonaise ne peut se permettre une telle précision de fabrication, ni même d’ailleurs les grandes entreprises de fabrication en Europe. André Citroën se tourne alors vers l’Amérique, où les constructeurs de machines-outils ont une avance certaine. De retour en France, aidé financièrement par le banquier Bronislaus Goldfeder, il transpose l’idée avec des chevrons en acier et met au point, par ailleurs, une fraiseuse équipée d’un outil de coupe profilé capable de traverser le billot d’acier de part en part à un régime de 2 000 tr/min, atteignant ainsi la précision d’usinage requise.

C’est le début de l’une des plus grandes aventures industrielles des temps modernes. Avant de pouvoir réellement s’occuper de sa trouvaille et commencer la production du nouveau système, Citroën doit terminer sa dernière année d’étude à l’école Polytechnique ainsi que ses années de service militaire, obligatoire à cette époque. Il passe ainsi deux ans dans le 31e régiment d’artillerie du Mans, avec le grade de sous-lieutenant.

Renault à Boulogne-Billancourt

Louis Renault participe avec Marcel à une épreuve non officielle aux Jeux olympiques d’été de 1900. Louis a remporté, seul, le 1er Grand Prix de Pau dans la catégorie voiturettes, en 1901.

En 1901, l’exposition « Salon de l’automobile » prend toute son importance en s’installant au Grand Palais. Des vélos, des bateaux et des aérostats sont également exposés.

En 1902, les usines Renault s’étendent sur 7 500 m² à Boulogne-Billancourt avec plusieurs modèles au catalogue. Louis présente son premier moteur Renault, 24 ch, 4 cylindres.

En 1903, Louis Renault perd son frère Marcel Renault, âgé de 31 ans, lors d’une sortie de route près de Couhé-Vérac en Poitou-Charentes pendant la course automobile Paris-Madrid. Traumatisé par cette mort, il abandonne la compétition et recrute des pilotes expérimentés pour piloter ses voitures partout dans le monde. Il rachète les parts de société de son frère disparu et Fernand développe le réseau commercial de Renault Frères en France, en Europe et aux États-Unis.

En 1905, la société reçoit sa première grosse commande : 250 taxis. Louis transforme ses installations artisanales en industrie de production de série et devient le premier constructeur automobile français. Deux ans plus tard, un taxi sur deux en France et en Angleterre est une Renault qui s’exporte avec succès jusqu’à New York et Buenos Aires.

Lion-Peugeot, Citroën et Mors, Renault seul

En 1905, les enfants d’Eugène Peugeot qui ont repris la tête de l’entreprise après sa mort, sont autorisés par Armand Peugeot à produire des automobiles, sous le nom Lion-Peugeot, moyennant des compensations financières.

En 1906, Louis Renault se lance avec succès dans sa seconde passion avec la fabrication de moteurs d’avion performants qui battent record sur record dans les airs. Renault a gagné le premier grand prix de l’histoire automobile en 1906. La même année, il est nommé Chevalier de la Légion d’honneur.

En 1906, son frère Fernand se retire de la compagnie pour raison de santé et Louis devient le grand patron. La même année, la Renault AK de 90 CV participe au premier Grand Prix.

André Citroën est appelé au chevet de la société automobile Mors, en difficulté, pourtant célèbre pour avoir battu au début du siècle des records de vitesse, il participe à son redressement entre 1906 et 1914, lui permettant de décupler son chiffre d’affaires.

En 1908, Fernand Renault vend ses parts de société à Louis et prend sa retraite. Il meurt des suites d’une longue maladie en 1909. Louis Renault devient alors à 32 ans seul héritier de la fortune familiale et seul maître de sa société qu’il rebaptise « Société des Automobiles Louis Renault ». Il est très inventif et ses voitures sont de plus en plus performantes.

Société anonyme des automobiles et cycles Peugeot

En 1910, les compensations financières étant excessives, les deux entités fusionnent finalement pour devenir la « Société anonyme des automobiles et cycles Peugeot ». Il nait une entreprise particulièrement imposante dans l’industrie automobile, profitant de quatre usines situées à Audincourt, Beaulieu, Lille et Valentigney.

La société « les Fils de Peugeot Frères » fusionne à nouveau avec « Automobile Peugeot » de leur grand cousin Armand Peugeot en février 1910 après que leur père fut décédé en 1907. Robert Peugeot devient chef de famille et prend la tête du groupe Peugeot.

Renault découvre Ford

En 1911, Louis Renault effectue un voyage aux États-Unis pour étudier les méthodes industrielles de son concurrent Henry Ford avec son modèle unique et pas cher, la Ford T. Sa tentative d’appliquer le chronométrage pour augmenter la productivité (taylorisme) en France se heurte à de sérieux problèmes sociaux et il essuie un mouvement de grève en 1913 dans son usine de plus de 136 000 m2. Souvent autoritaire et colérique, parfois intransigeant, Louis Renault sait aussi faire preuve d’ouverture d’esprit et de souplesse dans la gestion des affaires sociales. S’il a recours au lock-out*, comme la plupart des industriels de cette période, il est pourtant l’un des premiers à autoriser la délégation ouvrière dans ses usines (1912) et à introduire d’importantes réformes sociales, de concert avec son ami, le socialiste Albert Thomas, pendant la Grande Guerre. Le bureau d’étude reste son domaine réservé ; il s’y montre acharné au travail surdoué, prolifique, inventif plein de génie.

*lock-out ou la grève patronale est une fermeture provisoire d’une entreprise, décidée par l’employeur pour répondre à un conflit collectif (grève). Un lock-out est généralement utilisé lorsqu’une grève est partielle pour faire pression sur les grévistes, les salariés non-grévistes n’étant alors plus rémunérés. Le lock-out permet notamment de contrer une grève de quelques employés stratégiques bloquant l’entreprise, ces salariés étant soutenus financièrement par les non-grévistes.

En 1912, l’usine Peugeot de Sochaux est inaugurée d’abord pour faciliter la fabrication des camions. La même année, la marque construit ses carrosseries dans le nouvel atelier de Mandeure. A cette période, Peugeot construit près de 10 000 automobiles, soit la moitié de la production française.

Citroën découvre Ford

André Citroën est un découvreur de talents et un organisateur de génie. Il n’est ni inventeur, ni technicien. Il se passionne pour la « fabrication et la distribution à grande échelle ». En 1912, dans le cadre de son travail pour les usines Mors, André Citroën effectue son premier voyage aux États-Unis, voyage qui marquera profondément sa vie et sa carrière. Il visite l’usine Ford d’Henry Ford à Dearborn près de Détroit, dans laquelle est appliqué le taylorisme, devenu fordisme. Il s’agit de la démocratisation de biens de production industrielle fabriqués en grande série à moindre coût de revient. Sa visite lui permet de s’imprégner des méthodes appliquées dans les usines américaines.

André Citroën est nommé directeur général administrateur de l’ entreprise par les frères Émile et Louis Mors. Il réorganise l’étude des besoins clientèle, la gestion, modernise, crée de nouveaux modèles et double la production de la marque en 10 ans. L’entreprise produit 300 automobiles en 1908, pour atteindre 800 unités en 1913.

La direction des usines Mors permet à Citroën d’acquérir une certaine expérience, notamment dans les domaines humains. En effet, les conditions de travail des ouvriers à cette époque sont rudes, ce qui les amène en 1912 à se mettre en grève, pour l’adoption de la « semaine anglaise » des cinq jours. Citroën sait se montrer ouvert afin d’éviter toute confrontation inutile, et améliore ainsi les conditions de vie des travailleurs, et partant, leur efficacité. C’est dans cette entreprise qu’André Citroën va tisser de nombreux réseaux d’experts et de conseillers.

Société anonyme des engrenages Citroën

En 1912, âgé de 35 ans, André Citroën s’associe avec André Boas et Paul Hinstin, qu’il connaît depuis le lycée Condorcet, avec qui il investit une grande partie de l’héritage de ses parents pour fonder la société « Citroën, Hinstin et Cie », entreprise de fabrication d’engrenages, en particulier ceux à chevrons en V, avec une dizaine d’ouvriers dans le faubourg Saint-Denis du 10e arrondissement de Paris. Il emménage rapidement au 31, quai de Grenelle dans le 15e arrondissement de Paris à côté de l’usine des frères Mors, près du quai de Javel et se rebaptise « Société anonyme des engrenages Citroën ». Le logo est un double V renversé, représentant deux chevrons. André Citroën fonde sa réputation et sa fortune dans la production de ces engrenages. En effet, l’adoption de moteurs électriques pour l’alimentation des machines dans les industries nécessite des engrenages robustes, capables de réduire les hauts régimes fournis par ces moteurs, ce qui correspond parfaitement aux engrenages de Citroën. André Citroën dépose ainsi de nombreux brevets pour les applications de ses engrenages dans divers domaines comme les transmissions industrielles ou pour les trains arrière des automobiles.

André Citroën est dans un premier temps à la fois ingénieur en chef, directeur de production, directeur commercial, étant donné que ses deux associés ont déjà d’autres engagements. Il devient également Président de la Chambre syndicale de l’automobile. En l’espace de quatre ans, la petite entreprise voit ses ventes multipliées par dix et André Citroën sera sollicité par Škoda, qui veut exploiter son brevet en Europe centrale.

Mobilisation générale

Les usines de Billancourt sont en partie fermées au moment de la mobilisation, en août 1914. Mais les exigences de la Défense Nationale et la rapide avancée de l’armée allemande contraignent les autorités à rouvrir l’entreprise. Louis Renault, lui-même mobilisé comme sapeur-aérostier (pilote d’un aérostat), et quelques-uns de ses ouvriers et collaborateurs sont mis en sursis d’appel ou rappelés du front.

Sitôt la guerre déclarée, André Citroën est mobilisé en août 1914 en tant que lieutenant puis capitaine au 2e régiment d’artillerie de Metz. Sur la frontière Est où a lieu le conflit, il a l’occasion de constater le manque d’artillerie et de munitions face à l’artillerie allemande. À la suite de la mort de son frère Bernard sur le front, André Citroën est décidé, non seulement de faire son devoir, mais également de repousser l’ennemi le plus loin possible.

En 1914, la Première Guerre mondiale met un coup d’arrêt à l’évolution et à la prospérité de Peugeot. Les usines sont mobilisées pour l’effort de guerre et fabriquent des vélos, des voitures, des camions, des chars, des moteurs d’avions, des bombes et des obus en imposant définitivement la nouvelle ère de la grande série.

En août 1914, Louis Renault est convoqué par l’état-major, puis envoyé à Bordeaux pour y rencontrer le ministre Millerand, replié avec le gouvernement Poincaré depuis le 2 septembre. Il reçoit l’ordre de fabriquer des obus en grande quantité pour l’armée. En septembre, 1 200 taxis Renault sont réquisitionnés par le général Joseph Gallieni pour envoyer des renforts à la VIe armée du général Michel Joseph Maunoury et stopper ainsi l’avancée allemande ; ils entreront dans la légende sous le nom de taxis de la Marne.

En janvier 1915, André Citroën propose au général Louis Baquet, directeur de l’artillerie du Ministère de la Guerre, qui manque cruellement de munitions, d’appliquer le fordisme dans une usine construite en 3 mois, capable de produire 5 000 à 10 000 obus Shrapnel de type 75 par jour. Grâce à ses économies, celles de son bras droit Georges-Marie Haardt et surtout le financement d’un riche diamantaire d’origine arménienne, Atanik Eknayan qui avait déjà sauvé son affaire fragile de Mors, il fait ériger sur les 15 hectares de terrains vagues et de jardins potagers du quai de JavelNote 3, une immense usine ultramoderne et produit avec 13 000 ouvrières, 23 millions d’obus à raison de 10 000 par jour, à des cadences inédites pour l’époque. « Il faut produire vite, bien, économiquement, pour mettre les produits fabriqués à la portée du plus grand nombre possible de consommateurs », dit-il. Le rythme imposé par ses usines est fatigant et de ce fait, André Citroën a pu parfois y être considéré comme un despote. Néanmoins, il est pourtant l’un des premiers industriels soucieux du bien être de ses ouvriers et évite d’imposer des tâches répétitives. L’entreprise de munitions d’André Citroën est très vite réputée et devient un modèle d’organisation, d’efficacité et de responsabilité sociale. Les grandes personnalités aussi bien civiles que militaires visitent l’usine.

Armand Peugeot meurt en février 1915 et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Pendant quatre ans, Louis Renault participe intensivement à l’effort de la guerre. En plus des voitures, camions, tracteurs, obus et fusées, il construit des éléments de fusils et de canons, des moteurs d’avion et même des appareils de reconnaissance. Du torpédo 11 CV type « guerre » à la 6 cylindres du maréchal Joffre, Renault livre à l’armée à peu près tous les types de voitures de sa gamme 1914.

À l’issue de la Première Guerre mondiale Peugeot subit une concurrence nouvelle, lors de la création de Citroën, le nouveau constructeur automobile investit massivement. Citroën devient le 1er constructeur français, devant Peugeot et Renault.

En 1917, avec l’appui du général Jean-Baptiste Eugène Estienne, Renault dessine et construit le premier char mitrailleur léger Renault FT 17 dont les qualités remarquables contribuent à la victoire finale de 1918.

progrès technique et progrès social

Cette participation à l’effort de guerre aurait été impossible sans le travail intensif du personnel des usines Renault. En plus des ouvriers mobilisés, rappelés du Front, l’entreprise bénéficie d’un contingent important de main d’œuvre féminine, étrangère et coloniale. La pénibilité des conditions de travail (onze heures par jour, sept jours sur sept chez Renault jusqu’en 1917), la lassitude de la guerre et le coût de la vie, entraînent d’importants mouvements sociaux, surtout en 1917, à Paris, Billancourt et dans toute la région parisienne. C’est à cette époque que Renault introduit, en concertation avec Albert Thomas, d’importantes réformes sociales, tels que l’institution des délégués ouvriers ou encore l’établissement d’un salaire minimum.

C’est à la fin de la guerre que Louis Renault imagina plusieurs projets sociaux, notamment l’accession à la propriété de la classe ouvrière, le développement des transports péri-urbains, la création de cités-jardins ou encore l’institution de commissions régionales paritaires, patronales et ouvrières. La contribution exceptionnelle de Louis Renault à la victoire des Alliés fit de lui un héros international et décupla l’image de Renault dans le monde. En 1918, il est nommé officier de la Légion d’honneur.

Sitôt la guerre terminée, l’essor de l’automobile est incroyable et les rues sont progressivement envahies de véhicules mus par leur propre énergie.

Entre 1917 et 1918, le gouvernement charge André Citroën également de réorganiser le ravitaillement de l’industrie de l’armement, les services postaux militaires, et la distribution des tickets de ration de pain dans la région parisienne. Lorsque la guerre est terminée, André Citroën décide de reconvertir son usine du quai de Javel en usine de construction d’automobiles.

Lorsque l’Armistice de 1918 est signé, les usines Citroën perdent brutalement toutes leurs commandes de munitions. Néanmoins, André Citroën s’est très tôt préparé à cet événement, en réinvestissant ses bénéfices dans une nouvelle entreprise : l’industrie automobile doit remplacer la production de munitions. André Citroën reconvertit ainsi son usine d’armement en industrie automobile en quatre mois, absorbant le constructeur automobile Mors et fonde Citroën avec pour emblème historique son double chevron en V.

Citroën a compris lors de son voyage aux États-Unis la nécessité de produire une automobile à grande échelle, c’est-à-dire avec une diffusion étendue au-delà des classes privilégiées. À l’image de la Ford T, la future Citroën se veut être à la fois outil de travail et objet de loisirs. En janvier 1919, André Citroën annonce ainsi à la presse française son intention de produire une automobile de grande série. Avec une annonce incroyable pour l’époque : la future automobile coûtera 7 250 francs, soit près de la moitié de la voiture la moins chère du marché. Cette campagne d’annonce est également historique sur un autre plan : C’est la première campagne de presse massive, qui provoque plus de 16 000 demandes de renseignements auprès de l’entreprise Citroën, et ce en deux semaines seulement.

En 1919, Les français produisent un nombre important d’automobiles, bien plus que les allemands ou les américains : Paris est la capitale de l’automobile dans le monde. Par ailleurs, les massacres des chevaux durant la guerre accélèrent la nécessité d’engins de traction efficaces.

déclin de l’industrie automobile française face aux États-Unis

En 1919, Peugeot est techniquement dépassé par la nouvelle concurrence anglaise et américaine des surplus militaires et s’endette lourdement.

En 1919, les Américains, épargnés par la guerre, ont pris une considérable avance économique, industrielle et technologique sur l’Europe et sont entrés dans l’ère de la consommation, grâce surtout à Ford qui produit en série des véhicules bon marché démocratisés, moteurs de l’économie nationale américaine. L’âge d’or des voitures françaises est terminé. Louis Renault est un des trois cofondateurs de la Compagnie des messageries aériennes.

Assisté de son fidèle bras droit Georges-Marie Haardt pour la commercialisation, Citroën fabrique en 1919 le premier modèle de la marque : La torpédo 10 HP Citroën type A pour la conception de laquelle il a recruté l’ingénieur Jules Salomon dès 1916. « La première voiture européenne fabriquée en série » à raison de 30 voitures par jour et 20 000 par an dès 1920. Bien que le succès de Citroën soit sans précédent, le prix de lancement exceptionnellement bas pour l’époque, est obtenu au détriment du bénéfice nécessaire pour rembourser les lourds emprunts d’investissements.

Renault doit également former un réseau de distribution et en 1920, la compagnie s’associe avec Gustave Gueudet, un entrepreneur du nord de la France, pour fonder les premiers concessionnaires. La gamme des modèles Renault s’étend désormais des petites automobiles aux poids lourds. Le capot de tous ces véhicules prend une forme caractéristique due au positionnement du radiateur derrière le moteur qui continuera jusqu’en 1930 alors que le radiateur sera déplacé à l’avant.

Renault devient une industrie internationale

En 1921, Louis Renault développe avec succès la Société anonyme des usines Renault (SAUR) en empire industriel et fait entrer une banque dans son capital pour tenir tête à la concurrence mondiale. À l’image de Ford, Renault acquiert l’ensemble des éléments utiles à son développement : fonderies, forges, carrières de sable, domaine forestier, scierie, aciers, carton, caoutchouc, huiles, lubrifiants, matériel électrique, etc.

Renault ne se limite pas à la France et vend dans plusieurs pays. Le marché anglais est particulièrement intéressant, car il ouvre la porte aux colonies de ce pays. Un grand nombre de véhicules modifiés avec des suspensions surélevées, de plus puissants systèmes de refroidissement et des carrosseries spéciales partent par bateau vers les quatre coins de l’Empire britannique.

De cette période, les Grand Luxe se distinguent avec leur empattement de 3,68 mètres et de six à huit cylindres pouvant leur faire atteindre 150 km/h. La suspension est améliorée pour permettre ces vitesses et on utilise l’aluminium dans le moteur, les freins, la transmission, et plusieurs parties de la carrosserie. Toutes les Grand Luxe à partir de 1923 sont considérées comme des classiques et leurs carrosseries sont signées par des ateliers célèbres dont Kellner, Labourdette et J. Rothschild et Fils. La société Renault est sous contrat avec l’aviatrice Hélène Boucher pour promouvoir sa voiture Viva Grand Sport.

Citroën invente le marketing devient une industrie internationale

La notoriété d’André Citroën progresse rapidement dans le grand public grâce à l’action de son équipe, dirigée par Pierre Louÿs (affichiste officiel puis directeur des services artistiques et photographiques) et l’agence Wallace et Draeger.

Le 4 octobre 1922, lors de l’ouverture du 17e Mondial de l’automobile de Paris, un avion dessine en lettres de fumée blanche le nom de Citroën, au-dessus de l’Arc de Triomphe. Le nom fait ainsi 5 km de long.

En 1924, Louis Renault créé la société de financement DIAC, Diffusion Industrielle et Automobile par le Crédit.

En 1924, sur la 40CV, un premier logo en forme de losange (ou de diamant) apparaît comme emblème de capot. Il remplace un cercle apparu en 1923 et est lui aussi évidé pour laisser sortir le son du klaxon qui se trouve derrière.

Les croisières Citroën

André Citroën innove en matière de publicité et de marketing de masse. C’est ainsi qu’il organise et assure la couverture médiatique, de décembre 1922 à février 1923, de la traversée du Sahara en autochenilles démontables Citroën-Kégresse tout-terrain. Puis celles des grandes croisières : Croisière noire en Afrique en 1924, Croisière jaune en Asie en 1931, et Croisière blanche en Alaska en 1934. De nombreuses pages de publicité paraissent dans la presse régionale et nationale. Des milliers d’autres sont affichées dans les rues.

À l’issue de la Première Guerre mondiale, le projet d’une liaison sûre et rapide entre la France métropolitaine et l’Afrique équatoriale séduit coloniaux et industriels, et trouve un écho très favorable dans les milieux militaires et scientifiques. Une grande idée que l’automobile rend enfin possible. Confiant dans son matériel, André Citroën est quant à lui persuadé que cette liaison peut se faire en 20 jours à peine.

André Citroën sait les difficultés technologiques que représente un raid en Afrique. Les véhicules ont de grandes difficultés à avancer dans le sable, les roues étant en permanence enlisées, et les écarts de température nuisent au moteur. Bouillants le jour, les liquides (huile et eau) gèlent la nuit.

Selon ses propres dires, « La première idée d’un raid transsaharien naquit pendant la guerre 14-18 qui révéla l’importance des ressources des colonies d’Afrique équatoriale pour la France. On réalise alors que ces richesses ne pourraient prendre leur vraie valeur qu’à partir de l’établissement d’un réseau efficace de communication ».

Partis de Touggourt en Algérie, Georges-Marie Haardt, Louis Audoin-Dubreuil et une équipe de 10 personnes dont plusieurs militaires et un géographe, relient Tombouctou au Soudan, en 20 jours, comme l’espérait Citroën. Avec 5 véhicules Citroën à chenilles Kégresse, les membres de la « mission Haardt-Audouin » effectuent la première liaison directe entre l’Algérie et l’Afrique Occidentale Française.

Les 5 véhicules de l’expédition ont chacun un nom. Scarabée d’Or accueille Georges-Marie Haardt (directeur des Usines Citroën, chef de mission) et Maurice Billy (pilote et mécanicien) ; Croissant d’Argent, Louis Audouin-Dubreuil (second chef de mission) et Maurice Penaud (pilote, mécanicien en chef) ; Tortue Volante, Paul Castelnau (géographe et cinéaste) et Roger Prud’homme (pilote, mécanicien) ; Bœuf Apis, Georges Estienne (lieutenant) et Fernand Billy (pilote mécanicien) ; René Rabaud (pilote, mécanicien) et l’adjudant Chapuis (guide, interprète) montent à bord de Chenille Rampante. C’est en grande pompe, le 7 janvier 1923 que le premier courrier transsaharien automobile est remis au commandant de la région de Tombouctou, le colonel Mangeot. André Citroën a su faire de cette expédition, une incroyable publicité pour sa firme.

La Croisière noire, se déroule du 28 octobre 1924 au 26 juin 1925, connue également sous le nom de « Expédition Citroën Centre Afrique » ou encore « 2e mission Haardt Audouin-Dubreuil », est l’une des expéditions mises sur pied par André Citroën afin de mieux faire connaître sa marque et d’ouvrir une ligne régulière motorisée sur le continent africain. En effet, bien que certains explorateurs, à l’image de Felix Dubois en 1898, aient tenté des essais automobiles en Afrique, les résultats peu concluants font que l’idée est restée au stade de projet1.

Au-delà du simple aspect publicitaire, il s’agit également d’une expédition à portée politique, culturelle et scientifique. La Croisière noire supplée ainsi le projet stagnant du « Transsaharien » en ayant recours, comme le fait remarquer André Citroën en 1925, à des investissements plus faibles au départ et sur une moindre durée.

En 1925, André Citroën fait installer sur la Tour Eiffel une énorme publicité lumineuse pour sa marque, s’étirant en hauteur. Les illuminations par 250 000 ampoules en six couleurs figurent neuf tableaux, le dernier étant le nom Citroën avec un lettrage stylisé version art déco. Elle est installée jusqu’en 1933 bien que la ville ait, depuis 1926, multiplié ses taxes par six.

L’histoire retient également l’arrivée de l’aviateur Lindbergh en approche du Bourget, après une longue traversée de l’Atlantique à bord du Spirit of Saint Louis, qui se servit de l’enseigne lumineuse Citroën de la tour Eiffel comme balise pour se repérer. André Citroën profite alors de l’événement et invite le héros national à une réception au quai de Javel, faisant une fois de plus, une incroyable publicité pour sa firme.

En 1926, André Citroën conçoit avec l’aide de l’ingénieur américain Edward Gowan Budd, la Citroën B14, première voiture d’Europe tout acier, dont la carrosserie solide est entièrement fermée. Une presse emboutit 400 longerons à l’heure, que l’on assemble par soudage avec le reste de la caisse.

Première chaîne de montage Renault

Louis Renault lance sa première chaîne de montage moderne, en 1922 et démarre, en 1929, sa grande usine historique de fabrication moderne sur l’île Seguin à Boulogne-Billancourt, symbole et emblème de progrès industriel et symbole de luttes sociales. Il entre également en compétition effrénée dans tous les domaines industriels et techniques avec son grand rival André Citroën aux dépens des petits constructeurs qui disparaissent. Face à la forte progression de la marque Citroën, un constructeur bien plus récent que Renault, il affirme : « Je suis très heureux d’avoir Monsieur Citroën comme concurrent, car il fait travailler et oblige à la lutte ».

En 1926, Peugeot étant endettée, les cycles Peugeot, filière la plus rentable, sont séparés juridiquement de l’automobile tandis que la fabrication des camions est abandonnée.

L’empire Renault se développe et en 1928 Louis Renault est le patron autoritaire et emblématique de 20 000 employés, une place qu’il occupe presque 20 ans.

De 1928 à 1932 suivent les Citroën C4 et Citroën C6. Elles sont les premières Citroën à bénéficier d’un moteur flottant. André Citroën avait acheté la licence du brevet déposé par Chrysler après un voyage aux Etats-Unis.

Renault numéro 1 constructeur auto et Citroën numéro 2

En 1928, Renault produit 45 809 automobiles de sept châssis différents, qui vont d’une 6 CV à une 40 CV, sur lesquels on peut monter huit carrosseries de base et de plus importantes pouvaient être commandées par des carrossiers indépendants. Les modèles les plus populaires étaient les cabriolets décapotables de plus petites cylindrées. Les plus chers dans chaque cylindrée étaient les berlines.

En 1929, Citroën devient le second constructeur d’automobile mondial avec 400 véhicules par jour (le tiers de la production française) au détriment de l’équilibre budgétaire. De très graves problèmes de financement sont accentués par la Grande Dépression de 1929.

L’usine de Boulogne-Billancourt ouvre en 1929. Elle devient rapidement un bastion de la CGT et du Parti Communiste, en particulier à l’occasion de la grève de 1936 qui permet aux ouvriers d’obtenir pour la première fois des congés payés.

Pourtant, l’année 1929 se caractérise par le record de 102 891 automobiles produites, soit près du tiers de la production nationale. Un peu moins de la moitié des automobiles est exportée. Outre le quai de Javel, les usines Citroën s’installent à Suresnes, Clichy, Saint-Ouen, et Grenelle. On y emploie 32 000 ouvriers.

En 1929, la marque Renault est présente dans 49 pays partout dans le monde mais les États-Unis assurent 85 % de la production automobile mondiale. Louis Renault rachète la société des avions Caudron, entre dans le capital d’Air France et participe à la création d’Air Bleu pour le transport postal aérien en France.

Face aux retombées positives de la Croisière noire, dès 1928, Georges-Marie Haardt prépare son projet d’ouvrir la « Route de la soie » à la circulation automobile : 13 000 km de Beyrouth à Pékin en passant par le Turkestan, le Xinjiang et le désert de Gobi. L’itinéraire de retour prévu vers Beyrouth passe par Hanoï, Saïgon, Bangkok, Calcutta, Delhi, Quetta, Ispahan, Bagdad et Damas : la Croisière Jaune.

La Croisière Jaune, qui se déroule du 4 avril 1931 au 12 février 1932, connue également sous le nom de « Mission Centre-Asie » ou encore « 3e mission G.M. Haardt – Audouin-Dubreuil », est l’un des raids automobiles organisés par André Citroën. Il s’agit plus particulièrement de sa troisième expédition motorisée, la première étant la traversée du Sahara et la seconde, la Croisière noire. Elle permet à la marque d’être lauréate du Prix Henry Deutsch de la Meurthe de l’Académie des sports en 1932 (fait sportif pouvant entraîner un progrès matériel, scientifique ou moral pour l’humanité).

Peugeot revient dans la course des constructeurs auto

Malgré tout, Peugeot traverse les années 1930 — années marquées par le krach de 1929 — sans trébucher, le succès de la Peugeot 201 lui permettant de surmonter les effets de la crise et d’acquérir une image de constructeur automobile important. Si la production en série est apparue timidement en 1924, la 201 est la première Peugeot fabriquée de cette façon. Ensuite, naîtront les 402, 302 et 202, automobiles marquées par l’avènement des considérations aérodynamiques et d’un nouveau courant stylistique : le Streamline Modern.

En 1932, Louis Renault est nommé au grade de Grand Officier de la Légion d’honneur.

En 1933, André Citroën est invité par son concurrent Louis Renault à visiter une nouvelle usine Renault. Afin de demeurer compétitif avec Renault, André Citroën accentue lourdement son surendettement et multiplie les acrobaties de gestion. Les critiques sont nombreuses, lorsqu’il fait bâtir la plus grande usine ultramoderne d’Europe sur le site rénové de Javel en 6 mois, d’avril à septembre 1933.

« Elle est dotée d’une cathédrale de verre et acier capable de produire 1 000 voitures par jour. Le chantier est conduit par tranches de travaux simultanés, inspiré des principes de l’organisation à la chaîne. Le plan des nouvelles installations est en forme d’arêtes de poisson : les chaines auxiliaires apportent des éléments terminés à deux chaines principales centrales de deux cent cinquante mètres débouchant sur un immense hall de livraison. »

« Sur le quai, l’ancien bâtiment administratif est remplacé par un long bâtiment à façade monumentale avec un porche entièrement vitré de deux cotés permettant d’avoir une longue perspective du hall de livraison et du montage. L’inauguration grandiose a lieu le dimanche 8 octobre 1933 : un banquet réunit dans le hall des livraisons 6 333 convives… »

Avec la nouvelle usine de Javel, Citroën dispose d’un outil de production moderne, efficace et ultra-performant. Mais il allait lui falloir amortir les sommes importantes qu’avaient coûtées cette reconstruction.

Citroën développe un véritable talent d’innovation pour mieux servir et fidéliser les clients. Citroën est le premier constructeur hors États-Unis, à proposer un manuel du conducteur avec chacun de ses modèles. Les garages sur lesquels l’emblème Citroën trône présentent, outre l’atelier, un hall d’exposition de modèles.

Un réseau de concessionnaires et de service après-vente doté de stocks de pièces détachées de grande ampleur et des solutions novatrices de crédit très avantageux installeront sa notoriété auprès du grand public. Outre un réseau commercial à grande échelle, André Citroën développe des compagnies de taxis et un réseau de transports ruraux (Les cars Citroën). Les lois de l’exportation l’amènent à développer des sociétés en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse, en Italie et au Danemark.

Pionnier de l’« ancêtre du marketing direct », André Citroën ouvre, dans ses usines, un département spécialisé chargé d’accumuler, à l’aide du réseau de concessionnaires, des informations sur les clients, comme leur nom, leur adresse, etc. En 1920, la S.O.V.A.C. (SOciété pour la Vente Automobile à Crédit), première entreprise européenne de crédit à la consommation, est créée. Citroën est également connu pour être un « bon promoteur », démontrant la qualité de ses automobiles en réalisant des essais de chocs.

Par la suite, un courrier est envoyé aux clients qui se sont rendus dans les concessions, les remerciant de leur visite et leur indiquant quel serait le modèle leur correspondant le mieux. La lettre imprimée en caractères d’imprimerie comporte une signature et une formule de politesse manuscrites, procurant ainsi la sensation aux destinataires, qu’André Citroën s’adresse personnellement à eux. La distribution chaque semaine dans toute la France de plusieurs milliers de lettres augmente spectaculairement les résultats de ventes. D’après les responsables de l’entreprise, 15 % des ventes sont le résultat de cette méthode.

En 1933, André Citroën engage l’ingénieur André Lefebvre, ancien collaborateur chez Voisin et Renault. En un an, celui-ci conçoit et prépare la fabrication de la célèbre « Traction avant », qui est présentée aux concessionnaires le 24 mars 1934. Révolutionnaire à plus d’un titre, cette Traction Avant utilise des joints de transmissions homocinétiques inventé en 1926 par Pierre Fenaille et Jean-Albert Grégoire. Sa carrosserie est monocoque, autoporteuse et sans châssis. Son moteur chemisé est de type flottant. Par-dessus tout, elle offre une tenue de route qui deviendra légendaire. Mais le succès de ce modèle révolutionnaire, altéré par un manque de mise au point et des débuts techniques difficiles, ne suffit pas pour sauver le groupe de la faillite qui s’annonce.

En raison de la crise que traverse l’Europe à cette époque, des conflits entre direction et ouvriers surgissent comme partout ailleurs. André Citroën, comme il l’a déjà fait auparavant, intervient personnellement, explique et négocie. En 1933, il est le premier à affronter des discussions tripartites patronat, ouvriers et syndicats. Au conflit de six semaines en 1933 et à la reconstruction complète de l’usine du quai de Javel se surajoutent des difficultés financières. André Citroën déploie alors une importante énergie, physique et morale, pour repousser les dates de ses créances, ce qui l’épuise énormément.

Citroën est repris par Michelin

En réalité, la firme Citroën connaît des problèmes financiers depuis sa création. Les bénéfices acquis lors de la production de munitions ne furent pas suffisants pour couvrir les investissements, 90 % des gains ayant été dépensés en taxes. La vente des premières automobiles a certes permis de soulager un temps la situation financière de Citroën, mais l’incessante et rapide croissance de la firme engendre de nombreuses dépenses qui épuisent ses ressources financières.

En mai 1934, un rapport publié par la Banque de France indique que la société Citroën accuse des pertes de 200 millions de francs. Les banques perdent confiance, arrêtent de le suivre dans son surendettement chronique et confient à Pierre Michelin du groupe Michelin, la gestion de Citroën avec la mission très difficile de lui éviter la faillite. Malgré les sollicitations du gouvernement, Louis Renault refuse de reprendre son concurrent par peur des difficultés de fusion au profit de l’industriel Michelin.

Compte tenu des résultats médiatiques obtenus grâce aux succès de la Croisière noire et de la Croisière jaune, André Citroën était très tenté de renouveler un exploit comparable sur le continent nord américain. La Croisère blanche (juillet 1934-octobre 1934) fut le quatrième raid automobile organisé par André Citroën à l’initiative de Charles Bedaux. Sur un trajet imaginé par Charles Bedaux, André Citroën lance cinq Citroën-Kégresse de dernier modèle dans une traversée du nord-ouest du Canada à partir d’Edmonton.

L’expédition qui comprend 17 personnes, dont Bedaux, part d’Edmonton le 4 juillet 1934. Se lançant à l’assaut des Montagnes Rocheuses, elle rencontre très rapidement des difficultés imprévues et insurmontables dues aux pluies diluviennes, aux glissements de terrain et à la boue qui s’ensuit. Trois des cinq véhicules sombrent dans le passage de rivières en crue. Les deux autres doivent être abandonnés, engloutis dans la boue, le 16 août 1934. Le retour peu glorieux a lieu à cheval et en train à Edmonton le 24 octobre 1934.

Malgré les propositions faites par Citroën et la Banque de France, les banques refusent tout compromis. Citroën sollicite alors Pierre-Étienne Flandin, président du Conseil mais ce dernier refuse toute intervention de l’État. Le 21 décembre 1934, Citroën est mise en liquidation judiciaire. Le gouvernement propose au principal créancier Michelin de reprendre la marque et de sauver les 250 000 emplois, de calmer 1 500 créanciers et des milliers de petits porteurs. André Citroën dépose le bilan.

En 1935, âgé de 56 ans, André Citroën cède ses actions à Michelin et se retire en janvier, mais demeure le président du conseil d’administration, avant d’être remplacé en juillet par Pierre Michelin. Le 18 février 1935, il est admis à la clinique Georges Bizet. Bien qu’opéré en mai, il meurt le 3 juillet 1935, après 15 ans d’activité industrielle au sommet. Enterré le 5 juillet, il repose au cimetière du Montparnasse.

Mais, si l’impact de la publicité de Citroën sur la population française est incontestable, et donc que la marque, dans les années 1930, est connue du grand public, il ne faut pas oublier que le coût de ces campagnes publicitaires reste très important et est, pour beaucoup, responsable de la faillite de Citroën fin 1934, le groupe ayant mal négocié la période de l’engouement pour la voiture des « années folles ».

En 1935, Michelin prend le contrôle de Citroën. Sa mission première va consister à rembourser les dettes laissées par André Citroën. Pour cela, Michelin s’affaire à la poursuite du lancement commercial de la Traction, en version 7 et 11 CV. La version 22 CV à moteur V8 voulue par André Citroën ne verra jamais le jour, en raison de son coût jugé trop élevé par Michelin, car il y avait de trop nombreuses pièces spécifiques. De plus, les prototypes de la 22 avaient un comportement routier assez ‘sous-vireur’, deux des exemplaires de tests ayant été perdus dans des accidents. Tous les prototypes furent reconvertis. (Aujourd’hui, cependant, quelques passionnés ont réalisé des répliques de la 22).

La même année, Michelin lance le projet 2CV. But du projet : « motoriser » la France rurale, et ainsi vendre plus de pneus ! En effet, si Michelin a choisi de racheter Citroën, c’est bien parce qu’il était le premier constructeur français et donc un des plus gros clients de Michelin, sinon le plus gros. Et, sachant qu’une voiture représente cinq pneus, en vendant une petite voiture économique, les ventes de pneus devaient décoller. Telle était la logique de départ du projet 2CV ! C’est aussi l’origine d’un partenariat d’exclusivité avec Michelin, où toutes les voitures neuves Citroën sont chaussées par cette marque. Cet accord a depuis été remis en cause d’une part pour le problème logistique qu’il pose sur les lignes de montage communes aux modèles Peugeot et d’autre part dans le cadre de la mondialisation de l’industrie automobile, Michelin ne pouvant offrir le prix le plus bas sur tous les marchés émergents.

Le 21 février 1935 sur son initiative Louis Renault rencontre à Berlin Hitler pendant deux heures à la Chancellerie du Reich après une brève rencontre protocolaire sur le stand Renault au salon de l’automobile à Berlin. Pacifiste convaincu et fasciné par la modernisation de l’Allemagne nazie, il tente de convaincre le chancelier allemand que le seul moyen de préserver la paix en Europe est une entente économique entre les deux pays dans le cadre d’un accord franco-allemand.

En 1936, à la suite de la victoire du Front populaire aux élections législatives d’avril, les ouvriers de Renault Boulogne-Billancourt deviennent les leaders de l’amélioration des conditions de travail et de vie et de la lutte ouvrière syndicale en France. La production atteint en même temps le chiffre record de 61 146 véhicules. La même année, il est décoré de la Grande Croix de la Légion d’honneur.

Citroën numéro 1 constructeur auto et Peugeot numéro 2

Ayant dépassé Renault en 1937, Peugeot devient en 1939 le deuxième constructeur français, avec 25 % de parts de marché en France.

En 1938, Michelin étend la gamme Traction vers le haut en lançant la 15 CV à moteur 6 cylindres.

(dé)Mobilisation générale

En 1939, les usines de Billancourt sont parmi les premiers fournisseurs de matériel de guerre pour l’armée française. En mai 1940, Louis Renault s’envole pour les États-Unis afin d’y accélérer la production de chars de combat et résister à l’avancée allemande. Il y rencontre le président F. D. Roosevelt ainsi que plusieurs industriels et généraux américains. Mais il est trop tard. En son absence, ses usines sont réquisitionnées par la Wehrmacht (l’armée allemande 1935-45). Une fois que Louis Renault est de retour à Paris, deux ateliers, détachés de l’usine, sont contraints de réparer des chars de combat type Renault, à la suite d’un accord intervenu entre François Lehideux, neveu par alliance de Louis et administrateur des usines Renault, le baron Petiet, président de la Chambre syndicale des constructeurs d’automobiles et le ministre allemand Schmidt. Les usines Renault sont en effet passées sous administration allemande sous tutelle de Daimler-Benz.

En septembre 1939, Michelin s’apprête à lancer la 2CV au Salon de Paris. Une présérie de 250 exemplaires avait été produite. Mais le déclenchement de la guerre compromet ce lancement. Durant la Seconde Guerre mondiale, les usines Citroën tournèrent au ralenti en 1941 et 1942 et furent complètement arrêtées en 1943, du fait des bombardements alliés sur Paris.

Pendant l’occupation allemande en France de 1940 à 1944, le constructeur automobile français Peugeot, comme de nombreuses entreprises françaises, est obligé de travailler à l’effort de guerre de l’occupant. Employés, dirigeants et réseaux locaux de la Résistance vont tout faire pour freiner et saboter cette coopération tout en essayant d’éviter ou de limiter les représailles allemandes et les bombardements alliés.

En mai 1940, la SAAP (Société Anonyme des Automobiles Peugeot), s’était dotée d’un triumvirat de direction : Le président, Robert Peugeot était assisté de son fils Jean-Pierre Peugeot, directeur général et de Maurice Jordan, directeur général adjoint. En juillet 1941, Robert Peugeot, âgé de 70 ans laisse la présidence à Jean-Pierre Peugeot.

Dès l’été 1940, l’entreprise Peugeot passe sous contrôle allemand. Elle est placée sous la direction d’un commissaire à la production du Reich, l’ingénieur Von Guillaume. L’entreprise se voit interdire de construire des voitures dans un premier temps. Le seul moyen de sauver l’usine, d’éviter l’envoi au service du travail obligatoire en Allemagne des ouvriers sochaliens ainsi que des machines est d’accepter de fabriquer des véhicules ou des pièces détachées pour la Wehrmacht.

De l’ouvrier jusqu’à la famille dirigeante Peugeot, les salariés de l’usine vont alors s’atteler à faire baisser la productivité par toutes sortes de moyens : utilisation de machines anciennes, pénuries de matières premières organisées, etc. La productivité baisse de 80 % par rapport à celle de 1939. De discrètes opérations de sabotage des pièces fabriquées sont aussi organisées : mauvais alliage, joints de culasse poreux, embrayages affaiblis, etc.

Durant le second conflit mondial, la France est occupée par l’armée allemande et les usines Renault collaborent activement à l’effort de guerre allemand. La réparation des chars allemands et la conversion de chars français pour la Wehrmacht commence en août 1940. Après la libération, Louis Renault soutiendra la thèse d’une réquisition allemande. Cette réquisition est cependant issue des propositions qu’il leur formula dès juillet 1940.

Outre la réparation des tanks allemands, les usines Renault produisent dès 1941 des camions et des tanks pour la Wehrmacht. Au printemps 1941, les informateurs des services de renseignements gaullistes décrivent des usines tournant à plein régime, et demandent leur bombardement pour paralyser l’appareil de guerre allemand. Ils y recensent Renault comme entreprises « travaillant pour les Allemands » et produisant voitures de tourisme, camions et tanks.

Les livraisons sont freinées par les bombardements de l’aviation alliée sur les usines du Mans et de Billancourt. Après le bombardement du 3 mars 1942, le Gauleiter Sauckel exprime « son admiration pour l’effort exceptionnel fourni par l’entreprise Renault ». Le coût des bombardements industriels est remboursé par Vichy au titre des frais d’occupation. Pour surmonter les effets des bombardements, Renault entame la construction d’usines souterraines dans des carrières aménagées à Carrières-sous-Bois (entre Maisons-Laffitte et Saint-Germain).

Comme chez la plupart des industriels, les années qui suivent sont consacrées à l’effort de guerre. Durant l’occupation allemande, Peugeot fournit à l’armée allemande d’abord des ambulances et des camions, puis à partir de 1941 des patins de chars et moteurs d’avions pour Adler Werke AG et BMW.

Résistance

Début 1943, Ferdinand Porsche prend l’usine Peugeot sous sa direction et demande à ce qu’elle participe à l’effort aéronautique de guerre allemand en fabriquant des pièces du nouvel avion de chasse, le Focke-Wulf TA 154. Peugeot a déjà fabriqué pendant la Première Guerre mondiale des moteurs d’avions et construisait jusqu’en 1940 des trains d’atterrissage. Mais cela pose un problème de conscience à Jean-Pierre Peugeot et à son bras droit Maurice Jordan. Il s’agit là d’une collaboration stratégique avec l’armée allemande.

De plus, les usines risquent d’être la cible des bombardements alliés, ce qu’elles avaient réussi à éviter jusque là. À cette même période, le Special Operations Executive, le service secret britannique chargé de l’action subversive, envoie un de ses agents, Harry Rée dans la région. Ce dernier, qui a pour nom de guerre « César », a la charge d’organiser avec la Résistance locale des réseaux de sabotage. Il entre en contact avec Pierre Sire qui coordonne dans les usines Peugeot le ravitaillement du personnel et l’aide aux employés prisonniers en Allemagne. Ce dernier lui fait rencontrer Rodolphe Peugeot, résistant et cadre dans l’entreprise familiale. Mais celui-ci est méfiant, il demande des gages que « César » travaille bien pour Londres, craignant un coup monté de la Gestapo. Il est rassuré par la diffusion sur la BBC de la phrase convenue entre eux, « La vallée du Doubs est belle en été ». Il va alors verser chaque mois 50 000 francs à « César » pour financer ses opérations et lui fournir laissez-passer et véhicule.

Cela n’évitera pas un bombardement allié des usines dans la nuit du 15 au 16 juillet 1943 où 137 bombardiers britanniques de la Royal Air Force largueront près de 1 000 bombes. Mais sans doute gênés par la DCA allemande installée la veille, les obligeant à un largage à plus haute altitude, trompés peut-être aussi par une erreur de marquage des avions éclaireurs qui auraient confondu la cheminée de la brasserie de Sochaux avec celles de l’usine et également gênés par un vent assez violent cette nuit-là, les bombardiers manquent en grande partie leur cible. Seuls l’atelier de mécanique est détruit et ceux de la carrosserie et de la fonderie sont endommagés mais la forge et l’emboutissage, ateliers les plus importants de l’usine ne sont pas atteints. En revanche, les quartiers ouvriers de la ville ont été touchés de plein fouet : 400 immeubles ou bâtiments sont détruits, on compte 120 morts, 250 blessés et plus de 1200 sinistrés.

En septembre 1943, Ferdinand Porsche et son neveu Anton Piëch se rendent à Sochaux pour rencontrer Jean-Pierre Peugeot. Ils veulent que l’usine sochalienne apporte sa contribution à un nouveau projet allemand qu’ils présentent sous le nom de code 1144. Ils expliquent sans plus de détails qu’il s’agit pour Peugeot de fabriquer le fuselage d’un nouvel engin. En fait, il s’agit du projet allemand de fusées volantes V1. Les dirigeants français essayent de jouer la montre en expliquant qu’ils n’ont pas assez d’hommes pour fabriquer le nouveau fuselage en plus des camions déjà produits, mais Ferdinand Porsche menace alors de fermer l’usine, ce qui signifie en fait la transférer avec hommes et machines en Allemagne. À cette époque, les Anglais sont au courant de la fabrication des nouvelles fusées allemandes, même si aucune n’a encore été tirée contre la Grande-Bretagne, surtout grâce aux photographies aériennes des sites allemands de Peenemünde et de ce qui semble être des sites de lancement dans le nord de la France.

L’usine Peugeot se voit en 1943 imposer la fabrication d’un élément du V1, le premier missile de croisière de l’histoire de l’aéronautique ; ainsi, 90 % de sa production était destinée à l’Allemagne.

Un ingénieur de Peugeot, Cortelessi, envoyé en Allemagne dans les usines Volkswagen pour préparer la coopération avec l’usine française, arrive à copier les plans du V1 et par l’intermédiaire de « César » à les transmettre à Londres. Cela permettra à la RAF quelques jours plus tard de bombarder, non plus un peu à l’aveuglette les sites prétendus de lancement ou de construction des fusées, mais l’usine de Fallersben où se fait l’assemblage final du nouvel engin, retardant ainsi de plusieurs mois leur lancement sur Londres. De son côté, Maurice Jordan arrive à différer la construction du 1144 dans ses usines, suffisamment pour que Ferdinand Porsche décide d’annuler la fabrication à Sochaux. La construction du fuselage sera réalisée dans le camp de concentration de Dora et dans des mines de Tiercelet en Meurthe-et-Moselle par des déportés et des prisonniers russes.

Cette information fournie par un ingénieur de Peugeot donnera du poids à la Résistance locale pour demander aux Anglais l’arrêt des bombardements du site franc-comtois. Ce qu’ils obtiennent, sous conditions de procéder à des sabotages pour empêcher la bonne marche de la production militaire de l’usine. Rodolphe Peugeot obtient l’accord de Jean-Pierre Peugeot, malgré les craintes de ce dernier qui connaît les risques de représailles allemandes et de transfert de l’usine en Allemagne. « César » choisit alors ses hommes dont des employés de l’usine et va mener, de l’automne 1943 au printemps 1944, plus de 14 sabotages, Jean-Pierre Peugeot facilitant leur circulation dans l’usine et indiquant les matériels à saboter qui conjuguent efficacité et relative discrétion aux yeux des Allemands. Durant cette période, la résistance sochalienne est durement éprouvée par les arrestations de la Gestapo et « César », blessé en échappant à un contrôle, doit se réfugier en Suisse voisine pour se faire soigner.

Mais en mars 1944, le Royal Air Force Bomber Command programme un bombardement de l’usine sochalienne, persuadé que les Allemands, soucieux d’accélérer la fabrication des V1, vont y démarrer la production de fuselage envisagée en 1943. Pour l’éviter, « César » organise avec la Résistance franc-comtoise une grosse opération de sabotage en coupant toute l’alimentation électrique de l’usine. Des photos des sabotages sont envoyées à Londres qui, convaincu, annule alors le bombardement prévu.

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Les lendemains difficiles de la Seconde Guerre mondiale obligeront Peugeot à entamer une politique « monomodèle », d’abord avec la Peugeot 203, puis la Peugeot 403, première voiture française Diesel de série. Le modèle unique sera présent dans la gamme jusqu’en 1965, année marquée par le lancement de la première voiture à traction de la marque, la 204.

À la Libération en 1944, Louis Renault est arrêté comme collaborateur et meurt en prison avant son procès. Une autopsie révèle que sa nuque a été brisée, laissant supposer un meurtre. Ses usines sont saisies par le gouvernement provisoire et nationalisées le 15 janvier 1945 sous le nom de Régie Nationale des Usines Renault. Pierre Lefaucheux qui était jusqu’ici l’administrateur provisoire, devient le premier directeur général.

La petite 4CV conçue par Fernand Picard et Charles-Edmond Serre, à moteur arrière relance la Régie dès 1946. Elle tira son épingle du jeu, mais seulement en France, face aux Fiat 600 italiennes, Coccinelle allemandes et Morris Minor anglaises. Renault en produit plus d’un demi million jusqu’à sa retraite en 1961 alors que ses concurrentes ont toutes dépassé les 2 millions d’exemplaires.

La 4CV fut une des premières voitures populaires en France, emblème de la modernisation du pays d’après-guerre. On en produisit plus d’un demi million jusqu’à sa retraite en 1961. Renault revint aux courses automobiles avec sa 4 CV gagnant aux 24 heures du Mans et à Mille Miglia et participant au rallye Monte-Carlo. La publicité tirée de ces événements aida grandement la marque.

Le 16 janvier 1945, trois mois après la mort de Louis Renault, une ordonnance du Gouvernement provisoire de la République française présidé par le général de Gaulle prononce la dissolution de la société Renault et sa nationalisation sous le nom de « Régie nationale des usines Renault ». Dans l’exposition des motifs, Louis Renault était accusé de manière vague. Les auteurs de l’ordonnance avaient estimé, lors de la préparation du texte, qu’un tel acte serait « exorbitant du droit commun ». Avant même la publication de l’ordonnance, le directeur, René de Peyrecave, qui avait eu la responsabilité effective de l’usine pendant l’occupation, et qui la revendiquait, est mis en liberté provisoire. En 1949, il obtient un non-lieu.

Les prototypes Citroën et 250 exemplaires de présérie en aluminium d’une petite voiture révolutionnaire furent détruits ou cachés en Auvergne par une équipe d’ingénieurs. On ne sait pas s’il s’agissait de les cacher aux allemands, ou de les protéger des futurs bombardements. Cette voiture deviendra, en 1948, après une complète remise à plat, la 2CV Type A.

Partie II :
Histoire, économie, gestion et entreprise : Renault la Régie, Peugeot et Citroën

Partie III :
Histoire, économie, gestion et entreprise : Renault, Nissan, Dacia et Histoire, économie, gestion et entreprise : PSA Peugeot, Citroën et DS

Source et images :

Texte, synthèse des page Wikipedia :
Peugeot, Armand Peugeot, Renault, Louis Renault, Citroën, André Citroen,

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